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Jean-Joseph Mouret (Avignon 1682 - Charenton 1738)

Un musicien des Grâces et de la Folie







    Considéré comme "le représentant le plus pur de la musique de la Régence" (cf. P.M. Masson), ce compositeur et chef d'orchestre français originaire du Vaucluse a été surnommé, après sa mort à l'asile de Charenton, le "musicien des Grâces" parce qu'il a su allier en une heureuse synthèse les goûts italien et français.

   Fils d'un marchand de soie, cet enfant d'Avignon montre des prédispositions pour la musique, que son père encourage en lui faisant suivre une formation sérieuse à Notre-Dame-des-Doms, si bien qu'à 20 ans il devient une célébrité dans sa région, comme chanteur et compositeur.

   En 1707, à l'âge de 25 ans, il décide de monter à Paris pour y tenter sa chance ; il trouve rapidemment un poste de maître de musique chez le duc de Noailles. L'année suivante, il réussit à se faire connaître de la duchesse du Maine, dont il gagne très vite la protection. Elle le fait surintendant de la musique à la cour de Sceaux (1709-1736)
— en même temps que chevalier de la Mouche à Miel, un titre honorifique qu'en femme spirituelle, elle réserve à ses fidèles —, et l'invite à participer aux fêtes des Grandes Nuits de Sceaux — il sera d'ailleurs le principal animateur des seize prestigieuses Grandes Nuits de 1714-1715.

   En 1711, Il épouse Marie Prompt de Saint Mars, la fille de l'Argentier du duc du Maine, qui lui donnera une fille unique.

   Il cumule les fonctions en collaborant à l'Académie royale de Musique, où il est chef d'orchestre (1714-1718), ainsi qu'à la nouvelle Comédie Italienne, où il est compositeur en titre et directeur (1716-1737). Il s'assure une place à la cour grâce à un poste de chantre à la Chambre du roi en 1720 — deux ans plus tard, il fournira la musique d'un divertissement donné par le régent en son château de Villers-Cotterêts pour fêter l'avènement officiel de Louis XV. En 1728, à la mort d'Anne Danican Philidor, il est nommé directeur artistique au Concert Spirituel des Tuileries (1728-1734), où il pourra produire ses motets, cantatilles et suites de symphonies.

   Mais la chance va lui tourner le dos à partir de 1734, date à laquelle il se verra privé successivement de toutes ses fonctions, perdant ainsi une grande partie de ses revenus. En plus de ses déboires financiers, les succès d'autres compositeurs, en particulier de Rameau avec son Castor et Pollux, l'aurait conduit à la démence, par une jalousie excessive ; dans son Éloge historique de M. Rameau, Hugues Maret précise que "dans ses accès de folie, il chantait continuellement le beau chœur des démons du quatrième acte".



   Il finit donc pauvrement sa vie à l'asile de Charenton, où il fut interné en avril 1738 pour y mourir en décembre, à l'âge de 56 ans.

   Malgré cette fin assez précoce, il a laissé une œuvre considérable, traitant tous les genres, mais principalement écrite pour la scène, dont six opéras avec Prologue.
   C'est un novateur ! Il a participé à la création de deux genres nouveaux : l'opéra pastoral (Les Grâces en 1735) et le ballet d'action (Les Amours des dieux en 1727). Avec Les Amours de Ragonde, il a innové la première véritable comédie lyrique, jouée aux Grandes Nuits de Sceaux en 1714, une trentaine d'années avant le Platée de Rameau. Il représente donc, avec Destouche, le précurseur de Rameau dans le genre comique.





   Il a composé des opéras-ballets comme Les Fêtes de Thalie (1714), avec ses entrées portraiturant des femmes de l'époque ; des ballets héroïques comme Les Amours des dieux (1727), où "l'agile" Cammargo dansa un solo très applaudi — de Voltaire, entre autres, qui appréciait chez Mouret "la gayeté" —, Le Triomphe des sens (1732) et Les Grâces héroïques (1734) ; des tragédies en musique comme Ariane (1717) et Pirithoüs (1723).
   Mais il a aussi publié 9 Cantatilles françaises, 3 livres d'Airs sérieux et à boire, ainsi que de la musique instrumentale : sonates, fanfares, motets.
   Il a conçu beaucoup de Divertissements  pour le Nouveau Théâtre Italien du Palais-Royal (publiés en 6 volumes) et pour le Théâtre Français (notamment pour les comédies de Dancourt en 1716).
  Il occupe une place de choix dans l'histoire de la symphonie française en raison de son instrumentation et de son orchestration avec deux suites de symphonies. La première, intitulée Fanfare pour des trompettes, timbales, violons et hautbois, avec une Suite de Simphonies mêlées de cors de chasse (1729) et dédiée au fils aîné de la duchesse du Maine, le prince de Dombes, fut exécutée au Concert Spirituel. Musiques de plein air permettant aux instruments de sonner haut et fort, fanfares pouvant servir à la chasse, Mouret a voulu aussi jouer de la richesse des timbres afin de les faire briller, chacun dans leur registre : ce sens du coloris instrumental était nouveau à son époque !



   Le ballet pantomime de Mouret, Pigmalion, fut interprété en juin 1734 au Théâtre Italien par le célèbre danseur Lélio fils (Antoine-François Riccoboni, de son vrai nom), accompagné de Mademoiselle Rolland.
   En 1736, Mouret a remanié l'opéra comique de Panard & Laffichard en couplets et vaudevilles sous le titre Pigmalion ou la Statue animée, puis l'a fait précéder d'un Prologue et suivre des Jardins de l'Hymen en 1744.

Ecrit par Florence le Mercredi 10 Octobre 2012, 18:28 dans "Biographies , formes" Version imprimable

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