Ajaccio Baroque

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Jean-Sébastien Bach (1685-1750)

un musicien intemporel



Enfance à Eisenach puis Ohrdruf, et adolescence à Lüneburg (1685-1703) : sa formation musicale en famille et son apprentissage à Lüneburg.

   Issu d'une importante dynastie de musiciens de Thuringe depuis le XVIème siècle, dont la moitié de ses membres étaient organistes dans les environs d'Eisenach, Jean-Sébastien Bach est initié très tôt au violon (grâce à son père, violoniste) et à l'orgue (grâce à un cousin de son père, qui est l'organiste de l'église Saint-Georges).

   Orphelin de mère, puis de père avant l'âge de dix ans, il est recueilli par son frère aîné, Johann-Christoph, organiste à Ohrdruf et disciple de Pachelbel. Grâce à lui, il se forme aux instruments à clavier en étudiant les partitions des maîtres de l'Allemagne du Sud  pour orgue et pour clavecin (Froberger, Pachelbel).
   Avec sa belle voix enfantine de soprano, il contribue aux dépenses de ce frère nourricier en gagnant des cachets de choriste, et entreprend ses études au lycée d'Ohrdruf, où il fait la connaissance de Georg Erdmann, son ami pour la vie  (il poursuivra une relation épistolaire avec lui jusqu'à sa mort).

    À 15 ans, en avril 1700, il part à Lüneburg, près de Hambourg, avec cet ami de classe car il est admis dans l'ensemble choral le plus renommé, le Mettechor (le chœur de matines), et peut suivre ainsi gratuitement la scolarité du lycée Saint-Michael, où il apprend le français, entre autres ; la bibliothèque contenait plus de mille œuvres musicales, dont de la musique italienne, où il recopie méthodiquement celles auxquelles il a accès (sinon il dérobait des partitions interdites pour les recopier au clair de lune !) : Monteverdi, Pachelbel, Froberger, etc.

   Durant les vacances, Il se rend fréquemment à Hambourg, à pieds (50 km !) pour écouter les grands maîtres sur les meilleurs orgues (comme Reincken sur les 68 jeux de l'orgue de Sainte-Catherine). Capitale de l'orgue, Hambourg était aussi l'une des capitales de l'opéra ; Bach peut y écouter de la "musique italienne".
    Il se rend aussi à Celle (92 km !), où il a ses entrées aux séances musicales de la petite cour des ducs de Braunschweig-Lüneburg, entièrement francisée ; il a la révélation de Lully, de Lalande, des œuvres pour clavecin de Couperin et, selon sa méthode, en fait aussitôt de studieuses copies — Peut-être aurait-il même entamé une correspondance en français avec François le Grand…
   
Arnstadt-Mülhausen (1703-1708) : l'organiste virtuose.

    À 17 ans, ayant brillamment terminé ses études secondaires, mais trop pauvre pour entrer à l'université, il s'emploie comme "laquais et violoniste" à la cour de Weimar. Puis, en août 1703, il devient organiste d'Arnstadt, le fief de la famille Bach, où il dirige aussi une petite chorale de garçons.
   Il entreprend un voyage à Lübeck (plus de 400 km à pied !) pour aller écouter le grand organiste Buxtehude dans les Concerts du soir — au lieu de 4 semaines, il y resta 4 mois ! Et il en rapporte un style d'improvisation plus libre, qui déroute les paroissiens d'Arnstadt.
   Irrité qu'on lui demande de ne plus moduler qu'à des tons voisins, il trouve un autre poste, en juin 1707, à Mülhausen, où il épouse une de ses cousines éloignées, Maria Barbara Bach, qui lui donnera sept enfants (dont trois mourront au berceau).
   En 1708, il publie la première édition de sa cantate Gott ist mein König BWV 71. En conflit théologique avec le pasteur, qui est un piétiste, rejetant le dogmatisme luthérien si cher au musicien, il postule à la cour de Weimar.

À la cour du prince Guillaume II à Weimar (1708-1717) : la découverte des maîtres italiens.

   Sa candidature est tout de suite retenue ; en juin 1708, il entre à la chapelle de la cour du prince régnant de Saxe-Weimar (luthérien comme lui), comme organiste et premier violon ; six ans plus tard, en mars 1714, il sera aussi nommé Maître des concerts à la cour.

   C'est à Weimar qu'il compose la majeure partie de ses grandes compositions d'orgue, dont la fameuse Toccata et Fugue en ré mineur BWV 565 (1708), et une vingtaine de cantates religieuses, ainsi que des pièces pour clavecin inspirées des grands maîtres italiens et français.
   Il se lie d'amitié avec un important théoricien et historien de la musique, l'organiste J.G. Walther.
   C'est aussi là qu'il découvre la musique de Vivaldi (imprimée à Amsterdam) grâce au jeune duc de Weimar, qui rapporte d'Utrecht (où il étudie à l'université), en 1713,  des partitions, dont il fait des transcriptions.

   En 1717, invité à Dresde pour concourir au clavecin et à l'orgue avec le célèbre Français Louis Marchand, il est jugé le meilleur ! Le prince Leopold d'Anhalt-Köthen veut l'engager, mais le puissant prince de Weimar refuse, et fait même jeter Bach en prison le 6 novembre 1717 en raison "de son attitude entêtée" ; il est libéré trois semaines plus tard, et renvoyé de la cour le 2 décembre.

À la cour du prince Leopold à Köthen (1717-1723) : la musique instrumentale.

   Il fait une entorse à ses principes luthériens en devenant Maître de chapelle à la cour de Köthen, de pratique calviniste : les offices religieux ne comportent aucune partie musicale, hormis le simple chant des psaumes.

   Pour son nouveau protecteur, Bach n'a donc plus à se préoccuper de compositions religieuses ; il écrira les pages maîtresses de son œuvre instrumentale : les Concertos Brandebourgeois (1721), le Clavier bien tempéré I (1722) avec ses 24 préludes et fugues de toutes les tonalités (le livre II sera composé entre 1738 et 1743), les Suites anglaises et les Suites françaises (pour ses élèves de clavecin), les Inventions à deux et trois voix du Klavierbüchlein (ce "Petit Livre pour clavier" fut écrit à l'intention de son fils aîné Wilhelm-Friedmann, très doué pour la musique), des sonates, des partitas, des ouvertures. Il innove en matière de doigté, introduit l'usage du pouce, la position recourbée des doigts que l'on tenait allongés jusque-là.

   Ces années heureuses et honorées sont pourtant endeuillées par la mort de sa femme, en juillet 1720. Dix-huit mois plus tard, il se remarie avec une jeune fille de 20 ans, Anna Magdalena Wilcken, une cantatrice dont le père est trompette à la cour.

   Mais, quand Léopold épouse une jeune princesse qui déteste la musique, l'atmosphère à la cour de Köthen va changer… Sans compter que Bach voudrait pouvoir écrire les grandes œuvres religieuses qui ont mûri en lui, et les faire jouer sur-le-champ ; il a besoin d'une chorale, d'une église. Or il apprend qu'à Leipzig, le poste de "cantor" à l'église Saint-Thomas vient d'être libéré par le célèbre Kuhnau, tout juste décédé.

Splendeurs et misères à Leipzig (1723-1750) : le génie de la maturité.

   Le Conseil de Leipzig espérait pouvoir confier cette charge à Telemann, puis à Graupner, mais doit se contenter d'"un médiocre" à défaut du "meilleur" (ce sont les termes mêmes employés par le conseiller Platz après la défection des favoris !), donc c'est Bach qui est finalement engagé comme Cantor à l'église Saint-Thomas (le 5 mai 1723)… mais aussi comme directeur de la musique de la ville et de sa prestigieuse université.

    ll y compose 266 cantates religieuses (à raison de deux par semaine !), des Passions, dont la Passion selon saint Jean (jouée à l'église saint Nicolas de Leipzig le 7 avril 1724) et la célébrissime Passion selon saint Mathieu (jouée à saint Thomas le 11 avril 1727, puis redonnée dans sa version remaniée le 30 mars 1736), qui ressemble trop à de l'opéra selon les dévots, la Messe en si mineur (qu'il commence en 1724 et remanie jusqu'à la fin de sa vie), mais aussi des cantates profanes pour l'université ou la municipalité.

   Puis le rythme de ses compositions diminue car il est contraint à d'assommantes corvées. Il connaît des brouilles avec la municipalité ; il entre en conflit avec l'organiste de l'église de l'université ; il est critiqué dans son choix des thèmes et des chorals pour les cantates.

   Heureux en ménage, sa femme, qui lui a donné treize enfants (dont six seulement ont survécu !), est une précieuse collaboratrice : de sa main, nous sont parvenues d'innombrables et impeccables copies des partitions de Jean-Sébastien
    Il donne chez lui un concert hebdomadaire, où il a l'occasion de jouer avec de bons musiciens (dont ses fils), et de composer la célèbre Cantate du café pour des étudiants qui aiment sa musique, organisant des concerts dans la brasserie Zimmermann.
    Dans les années 1730, il s'occupe de faire imprimer sa musique.

   À la suite de ses démêlées avec le conseil municipal de Leipzig, il est relevé de ses fonction pour être finalement nommé Maître de chapelle à titre honorifique (sans  aucun salaire !) en 1736. Commence alors une virulente polémique sur la musique de Bach : elle est jugée surchargée, compliquée, difficile à jouer, donc peu naturelle.

   En 1738, son fils Carl Philipp Emanuel est nommé claveciniste du prince héritier à Berlin. En 1741, le "vieux Bach" lui rend visite à Postdam, où Fréderic II le met à l'épreuve en lui demandant d'improviser sur un "thème royal", d'abord à trois puis à six voix, genèse de l'Offrande musicale (1747).

   C'est à Leipzig qu'il compose pour le clavecin les Variations Goldberg (1742), les Variations canoniques, le Clavier bien tempéré II, l'Art de la fugue (en 1750, qu'il n'aura pas le temps d'achever).

    Atteint de cataracte (il a commencé à perdre la vue à partir de 1743), il subit deux opérations au printemps de 1750, avant de mourir quelques mois plus tard d'une attaque d'apoplexie (des suites de son opération râtée ?).

  Anna Magdalena lui survit dix ans, vivant de subsides et de mendicité à l'entrée de la cathédrale Saint Thomas...

   Son approche de la musique, essentiellement polyphonique — sa maîtrise de la fugue n'a jamais été égalée ! — met un point final à l'expression baroque au travers d'une œuvre qui a touché à tous les genres… sauf à l'opéra.

Héritage musical

   Avec Johann Sebastian Bach, la musique baroque atteint à la fois son apogée et son aboutissement. Dès sa disparition, le musicien, considéré comme un virtuose du clavier de son vivant, est quasiment oublié car passé de mode, tout comme le contrepoint, qu'il a porté à sa perfection, est dépassé par les nouvelles idées du Romantisme.

   Ce n'est qu'en 1782 que Mozart (à 26 ans) découvre une partie de l'œuvre de Bach à l'occasion des rencontres musicales organisées par le baron van Swieten ; son écriture en fut changée (dans sa Symphonie n°41, surnommée "Jupiter" ou "symphonie avec la fugue finale", le quatrième mouvement est une combinaison des formes sonate et fugue à cinq voix écrite en contrepoint renversable).
   Par contre, Beethoven connaissait bien l'œuvre pour clavecin de Bach puisqu'étant jeune, il en jouait une grande partie par cœur. Il a pris exemple sur les Variations Goldberg pour composer ses trente-trois Variations Diabelli pour piano. Il s'inspirera de l'art du contrepoint pour composer sa Missa Solemnis.
   Ce n'est qu'en 1829 que Mendelssohn, l'un des successurs de Bach à Saint Thomas de Leipzig, fit rejouer la Passion selon Saint Matthieu ; il remis Bach au goût du jour dans ses compositions, suivi par les Romantiques allemands, comme Brahms.
   Schoenberg voit même en Bach un précurseur de ses théories, et a écrit des pages passionnantes sur lui dans ses essais.

   Le XXème siècle en fait une référence incontournable. À partir des années 1950, le "renouveau baroque" aboutira à l'enregistrement de l'intégrale des cantates par G. Leonhardt et N. Harnoncourt.

 

Ecrit par Florence le Vendredi 14 Mars 2014, 02:25 dans "Biographies , formes" Version imprimable

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