Les Folies d'Espagne
Un thème célèbre à l'époque baroque
La Folia (qui signifie, en espagnol, "folie", mais aussi "amusement débridé"), ou Follia (en italien), ou Folies d'Espagne, est l'un des plus anciens thèmes musicaux européens, basé sur un motif qui se répète en se modifiant. Elle apparaît au XVe siècle au Portugal avant de connaître un très grand engouement en Europe. Plus de 150 compositeurs ont utilisé ce thème dans leurs œuvres, de Lully à Vangelis (pour le film 1492 : Christophe Colomb).
Sa forme la plus ancienne naît au Portugal à la fin du XVe siècle. À l'origine, la Folia est une danse au rythme rapide et à l'aspect insensé : au cours d'un rite chorégraphique lié à la fertilité, les danseurs portaient sur leurs épaules des hommes habillés en femmes ! Son thème musical, réparti sur huit mesures, associe un rythme marqué et une structure harmonique simple ; il se prête donc à toutes sortes de variations.
La première fois que ce thème apparaît dans un manuscrit ancien, c'est dans une chanson de berger : Rodrigo Martinez. Le poète portugais Gil Vicente (1465-1537), professeur de rhétorique du roi Dom Manuel, a déjà écrit sur ce thème, même s'il n'est publié pour la première fois qu'en 1577 dans le traité De musica libri septem de Francisco de Salinas (1513-1590), organiste et professeur de musique à l'université de Salamanque. Quand la Folia arrive en Espagne au début du XVIe siècle, elle inspire d'emblée des compositeurs tels que Juan del Encina (1520), Diego Ortiz (1553) ou Antonio de Cabezon (1557).
Puis la Follia gagne l'Italie au début du XVIIe siècle, en même temps que la guitare espagnole, et les danses qu'elle accompagne : la sarabande, la passacaille, ou encore la chaconne. Elle est adoptée par Kapsberger, un compositeur germano-italien (1580-1651) de pièces pour luth et chitarrone, qui en publie des variations dans son Libro primo d'intavolatura di chitarone (1604) ; de même Frescobaldi, claveciniste et organiste italien de génie, dans son Libro primo de toccate e partite d'intavolatura di cembalo e organo (1637).
Une forme plus récente naît dans les années 1670 ; elle est attestée pour la première fois dans Les Folies d'Espagne (1672) de Lully (en collaboration avec Philidor). Robert de Visée (1658-1725), guitariste, théorbiste et luthiste français, note l'engouement de ses contemporains pour ces Folies dans son Livre de guittarre (1682), en se défendant bien d'y mettre de ces airs à la mode : "…on ni trouvera point non plus de folies d'Espagne. Il en court tant de couplets dont tous les concerts retentissent, que je ne pourois que rebattre les folies des autres." En 1684, Michel Farinel l'importe en Angleterre, où elle prend le nom de Faninel's Ground. Sans oublier les compositeurs espagnols, fidèles à la Folia depuis un siècle, comme Martin y Coll (1690) par exemple, le thème est repris par le français D'Anglebert (1689) et par l'anglais Purcell dans sa Chaconne en sol mineur (1692).
Mais l'épicentre de sa popularité se situe au début du XVIIIe siècle : Corelli l'utilise en 1700 dans sa Sonate pour violon op.5 n°12, Marin Marais en 1701 avec "32 variations sur les Folies d'Espagne" dans ses Pièces de viole (2ème livre), Vivaldi vers 1705 dans sa Sonate op.1 n°12 puis, en 1727, dans son opéra Orlando Furioso (5:40), Scarlatti en 1710 dans ses Variazioni sulla Follia di Spagna, Haendel en 1720 dans une Sarabande en ré mineur, François Couperin avec "Les Folies françaises ou les Dominos" dans son Troisième Livre de clavecin en 1722, enfin Bach en 1742 dans sa Cantate des paysans (BWV 212) et son fils Carl Philip Emanuel Bach avec 12 variations sur les Folies d'Espagne.
Pas étonnant que le maître à danser allemand Taubert écrive en 1717 que la Folia est "la plus connue des mélodies de sarabande" !
À l'âge classique, nous retiendrons le nom de Salieri, qui composa 26 Variations sur les Folies d'Espagne (1815) pour orchestre – quant à Beethoven, il a caché cette mélodie dans l'andante de sa Symphonie n°5 : à vous de l'y déceler ! – ; en pleine période romantique, rappelons-nous de Liszt pour sa Rhapsodie espagnole (1863) puis, à l'époque moderne, de Rachmaninov avec ses Variations sur le thème de Corelli(1931).
Nous avons donc entendu comment la Folia a troqué, au fil de l'histoire, son aspect de danse populaire au rythme endiablé pour se décliner en variations les plus inventives et les plus contrastées. Pages poétiques et tourbillons virtuoses s'enchaînent dans une ivresse qui rend fou... de joie.
L'ensemble Salamandre (clavecin : Catherine Zimmer, flûtes : Yves Grollemund et Perrine Bernard) interprète les "Variations sur la follia" de Johann Cristian Schickhard (1682-1762) lors du concert "Musiques en regards", donné ce dimanche 18 avril 2010 à l'église anglicane d'Ajaccio.
Sa forme la plus ancienne naît au Portugal à la fin du XVe siècle. À l'origine, la Folia est une danse au rythme rapide et à l'aspect insensé : au cours d'un rite chorégraphique lié à la fertilité, les danseurs portaient sur leurs épaules des hommes habillés en femmes ! Son thème musical, réparti sur huit mesures, associe un rythme marqué et une structure harmonique simple ; il se prête donc à toutes sortes de variations.
La première fois que ce thème apparaît dans un manuscrit ancien, c'est dans une chanson de berger : Rodrigo Martinez. Le poète portugais Gil Vicente (1465-1537), professeur de rhétorique du roi Dom Manuel, a déjà écrit sur ce thème, même s'il n'est publié pour la première fois qu'en 1577 dans le traité De musica libri septem de Francisco de Salinas (1513-1590), organiste et professeur de musique à l'université de Salamanque. Quand la Folia arrive en Espagne au début du XVIe siècle, elle inspire d'emblée des compositeurs tels que Juan del Encina (1520), Diego Ortiz (1553) ou Antonio de Cabezon (1557).
Puis la Follia gagne l'Italie au début du XVIIe siècle, en même temps que la guitare espagnole, et les danses qu'elle accompagne : la sarabande, la passacaille, ou encore la chaconne. Elle est adoptée par Kapsberger, un compositeur germano-italien (1580-1651) de pièces pour luth et chitarrone, qui en publie des variations dans son Libro primo d'intavolatura di chitarone (1604) ; de même Frescobaldi, claveciniste et organiste italien de génie, dans son Libro primo de toccate e partite d'intavolatura di cembalo e organo (1637).
Une forme plus récente naît dans les années 1670 ; elle est attestée pour la première fois dans Les Folies d'Espagne (1672) de Lully (en collaboration avec Philidor). Robert de Visée (1658-1725), guitariste, théorbiste et luthiste français, note l'engouement de ses contemporains pour ces Folies dans son Livre de guittarre (1682), en se défendant bien d'y mettre de ces airs à la mode : "…on ni trouvera point non plus de folies d'Espagne. Il en court tant de couplets dont tous les concerts retentissent, que je ne pourois que rebattre les folies des autres." En 1684, Michel Farinel l'importe en Angleterre, où elle prend le nom de Faninel's Ground. Sans oublier les compositeurs espagnols, fidèles à la Folia depuis un siècle, comme Martin y Coll (1690) par exemple, le thème est repris par le français D'Anglebert (1689) et par l'anglais Purcell dans sa Chaconne en sol mineur (1692).
Mais l'épicentre de sa popularité se situe au début du XVIIIe siècle : Corelli l'utilise en 1700 dans sa Sonate pour violon op.5 n°12, Marin Marais en 1701 avec "32 variations sur les Folies d'Espagne" dans ses Pièces de viole (2ème livre), Vivaldi vers 1705 dans sa Sonate op.1 n°12 puis, en 1727, dans son opéra Orlando Furioso (5:40), Scarlatti en 1710 dans ses Variazioni sulla Follia di Spagna, Haendel en 1720 dans une Sarabande en ré mineur, François Couperin avec "Les Folies françaises ou les Dominos" dans son Troisième Livre de clavecin en 1722, enfin Bach en 1742 dans sa Cantate des paysans (BWV 212) et son fils Carl Philip Emanuel Bach avec 12 variations sur les Folies d'Espagne.
Pas étonnant que le maître à danser allemand Taubert écrive en 1717 que la Folia est "la plus connue des mélodies de sarabande" !
À l'âge classique, nous retiendrons le nom de Salieri, qui composa 26 Variations sur les Folies d'Espagne (1815) pour orchestre – quant à Beethoven, il a caché cette mélodie dans l'andante de sa Symphonie n°5 : à vous de l'y déceler ! – ; en pleine période romantique, rappelons-nous de Liszt pour sa Rhapsodie espagnole (1863) puis, à l'époque moderne, de Rachmaninov avec ses Variations sur le thème de Corelli(1931).
Nous avons donc entendu comment la Folia a troqué, au fil de l'histoire, son aspect de danse populaire au rythme endiablé pour se décliner en variations les plus inventives et les plus contrastées. Pages poétiques et tourbillons virtuoses s'enchaînent dans une ivresse qui rend fou... de joie.
L'ensemble Salamandre (clavecin : Catherine Zimmer, flûtes : Yves Grollemund et Perrine Bernard) interprète les "Variations sur la follia" de Johann Cristian Schickhard (1682-1762) lors du concert "Musiques en regards", donné ce dimanche 18 avril 2010 à l'église anglicane d'Ajaccio.
Ecrit par Florence le Samedi 10 Avril 2010, 21:42 dans "Mes préférences musicales"
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